mercredi 15 septembre 2010

Critique restaurant: La Salle à manger


C'est une salle à manger qui a pignon sur la rue Mont-Royal, quelque part près de la rue Chambord, aux abords du Point G et du Chaud Lapin. Sous la coupe de Samuel Pinard, une brigade à l'allure décontractée évolue dans une cuisine à aire ouverte, rivalisant d'inventivité et d'imagination pour construire de bons petits plats à la fois réconfortant et gastronomique. À La Salle à manger, la cuisine a ce petit quelque chose de familier à quoi nous ont habitué Martin Picard au Pied de cochon et, d'une façon un peu plus américaine, Chuck Hughes au Garde-Manger. Quelque chose de rustico-bistro-chic, de très chaleureux et d'absolument savoureux. Et la cuisine n'est pas la seule à nous taper dans l'oeil quand on entre à la Salle à manger: la salle à manger elle-même, grande, aérée, avec ses tables et ses chaises en bois, sa lumière orangée et sa grande table commune, a quelque chose de convivial et de sémillant, à l'image du service de la pétillante Ariane, le meilleur que nous ayons eu dans un gastropub à ce jour.



Nous avons amorcé la chose par le choix de nos entrées respectives. Chéri s'est enfourné une chose absolument incroyable, délicieuse et bien équilibrée, un étagé de foie gras au torchon, melon brodé et persil plat, servi sur un pain brioché bien grillé et arrosé d'une vinaigrette sucrée légèrement acidulée, donnant le kick nécessaire à ce plat pour lui donner du corps et de l'énergie en bouche. C'était fabuleux. De mon côté, j'ai démarré la soirée avec une assiette de charcuteries maison, peut-être ma seule déception de la soirée, non pas parce qu'elle n'était pas bonne mais parce qu'elle était, à mon avis, mal équilibrée. Se succédèrent, sur une planchette de bois, rillettes du Mans, porc en gelé, tête fromagée, terrine d'abats, braseola, pâté de foie, pancetta, pastrami maison, jambon cru, marinade maison et variété de moutardes. Ce qui, dans l'ensemble, était très bon et bien exécuté (à l'exception de la terrine d'abat, que j'ai trouvé bien assaisonnée mais trop ferreuse pour être appréciable), mais il y avait beaucoup trop de terrines pour deux personnes, et trop peu de charcuteries (lire ici: de viandes froides) Peut-être aussi aurais-je dû suivre mon instinct et prendre le tartare de canard aux figues, dont je me suis privé sous le prétexte bidon de ne pas manger deux fois du canard dans la soirée. Drôle d'idée. Nous avons arrosé nos entrées d'un verre de bière, très appropriées pour soutenir le salé et le caractère de nos plats.

Le reste de la soirée s'est déroulée dans un atmosphère de fête et de joie épicurienne, nos pauvres âmes faibles déjà affectées par l'entrée de foie gras. Nous avons choisi d'accompagner notre repas d'un verre de vin en importation privée, un vin nature portant le joli nom de Mélodie d'automne, un Beaujolais du domaine Michel Guignier, cuvée 2007. Ce fût une belle surprise: moins corsé et moins alcoolisé que ce qu'on boit d'habitude, cette Mélodie d'automne, naturelle et biologique, avec sa belle robe grenat brouillé, s'accordait parfaitement avec la douceur des sauces en crème et le boisé des champignons sauvage. Tout un plaisir !



Chéri a donc choisi la cuisse de chapon rôti, vin jaune, lobster mushrooms et pommes de terre grelots. L'ensemble était super: servi dans un grand bol chaud, les champignons étaient à peine tombés dans le beurre et très croustillants, tempérant ainsi le caractère crémeux de la sauce. Le chapon était rôti à point, la viande se détachant de l'os, baignant dans une sauce crème, moutarde et vin jaune avec succulence. Les pommes de terre grelot étaient elle-même très réussies, probablement cuites à même les jus de cuisson, l'extérieur était légèrement caoutchouteux, résistant sous la dent, et l'intérieur était souple et parfaitement cuit, l'instrument idéal pour lécher la sauce au fond de l'assiette. J'ai trouvé que ce plat était une sorte de réinterprétation du lapin à la moutarde, mais les champignons conféraient à l'ensemble un caractère boisé et rustique qui convenait parfaitement à l'ensemble. Un classique d'automne qui, je l'espère, restera longtemps au menu de la Salle à manger.


De mon côté, mon assiette (dont, vous le conviendrez, la présentation était moins réussie) consistait en une lasagne étagée de canard effiloché et de champignons sauvages (bolets, giroles). Le tout baignait dans une délicieuse demi-glace de canard légèrement montée à la crème, et était surmonté d'une salade de crudités, toute en fraîcheur, qui ajoutait croquant, texture et délicatesse à l'ensemble, robuste et forestier. Je peux vous dire que ce plat m'a sortie de ma zone de confort question goût (moi qui, en général, n'aime pas vraiment les champignons !), et je n'en ai été que plus satisfaite et plus heureuse. Je n'avais jamais mangé quelque chose d'aussi sylvestre et d'aussi agreste, et j'avais l'impression que ce plat venait carrément titiller les instincts primitifs en moi.



Avec beaucoup de difficultés, nous avons fini la soirée sur un gâteau au chocolat noir, qui consistait en un étage de ganache (un peu trop dure, ce qui nous rendait le picorage difficile) courant une énorme couche de praliné. L'ensemble était adoucit par des morceaux de génoise arrosés de coulis de rhubarbe. Un sorbet de fraises servait à équilibrer l'ensemble, des plus sucrés et des plus chocolatés. De quoi rouler sous la table à la fin de la journée, ce que nous avons fait.



Dans l'ensemble, j'ai adoré mon expérience à la Salle à manger, notamment parce que pour une fois, le service était chaleureux et agréable, ce qui nous change des serveuses qui font de l'attitude et qui s'habille trop court pour avoir de meilleurs pourboires. Plein de choses m'ont plues, notamment le pain aux raisins maison, pour ouvrir le festin, et la sélection de vin au verre, courte mais pensée pour accompagner les plats du menu. On a aussi trouvé très sympathiques les longues tables au centre de la salle à manger, pour accueillir les groupes, et les menus à partager pour 2, 4 ou 6 personnes, tous plus décadents les uns que les autres. Si j'ai eu quelques déceptions en ce qui a trait à l'assiette de charcuteries, le reste de la cuisine est sans reproche, inventif et gastronomique. Et je n'étais pas la seule conquise, Chéri l'était aussi.



On y va pour: manger du canard et boire du bon vin.

On y retourne pour: le service chaleureux et le foie gras décadent.

La Salle à Manger
1302 avenue du Mont-Royal Est (coin Chambord)

Ouvert de 17h à minuit, tous les jours
Entrées entre 12 et 16$, plats principaux entre 22 et 30$, desserts 8$.

5 commentaires:

  1. À défaut de pouvoir y aller, je savoure tes critiques chère Kim, c'est succulent pour les yeux.

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  2. Kim tu devrais donner une idée ces prix ce serait encore mieux.

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  3. J'ai été aussi ébahie que toi lors de mon passage au resto de Samuel. Et, je dois dire que je suis sortie de là en aimant le foie gras!!! C'est pas peu dire. Si tu as envie de lire : http://blablablapointcom.blogspot.com/2010/07/experience-inoubliable-et-memorable-la.html

    Chow :)

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  4. @Isabelle étonnant comme le service est bon là-bas, non ?! Vraiment un des plus beaux repas de ma vie moi aussi. J'ai entendu parlé de d'autres constructions au foie gras assez folles (genre, foie gras poêlé au miel, aux figues et à la badiane, miam). Chéri et moi, on a trouvé que même un peu dispendieux, ce restaurant méritait qu'on y retourne pour essayer le menu d'hiver. J'ai hâte !

    @Bernard: ça nous a coûté 130$ pour deux bières, deux entrées, deux verres de vin, deux repas, un dessert. Je vais donner une indication des prix.

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