dimanche 1 août 2010

Flexitarisme et schizophrénie

Ça fait déjà quelque temps que je mijote ce billet (quelques mois, pour dire la vérité) parce que je me rends compte que l'étiquette végé qui est associée à mon blogue a des implications éthiques que je ne suis pas nécessairement prête à endosser. Quand j'ai commencé Presque végé il y a un an, ce que je souhaitais vraiment faire, c'était apprendre à remplacer la viande (qui constituait, disons, la moitié de notre alimentation ou presque) dans nos repas de tous les jours, afin d'économiser sur le coût de l'épicerie et d'être en meilleure santé. Je cherchais donc à connaître la cuisine végétarienne, et à partager mes découvertes, d'où le nom donné à ce blogue. J'ai appris vite ! Je connais maintenant plein de façons de mariner le tofu et de le cuir pour qu'il soit savoureux et délicieux; je fais cuire des montagnes de légumineuses dans ma mijoteuse et j'ai aussi appris (à la dure !) que c'est le meilleur outil pour obtenir des burgers végés fermes et croustillants. Je mange une quantité phénoménale de légumes chaque semaine (parlez-en à ma mère qui est étonnée chaque fois qu'elle ouvre mon frigo, moi qui détestais les légumes quand j'étais jeune) et il me semble que notre mode de vie s'est considérablement amélioré. Sauf que je me rends aussi compte que Chéri et moi ne sommes pas du tout des végétariens (il faut voir mes yeux se révulser de plaisir devant une escalope de foie gras pour comprendre que non, pas du tout) et que, parfois, mes propos peuvent semble en désaccord avec l'essence de ce blogue.

Je ne souhaite pas vraiment que mes choix alimentaires soient guidés par des principes rigides ou des valeurs morales: il y a quelque chose dans la bouffe de convivial et de sensuel que je n'arrive pas à réduire à de la rationnalité. Je peux penser ma relation avec la nourriture en lisant Brillat Savarin, Michel de Certeau et Michael Pollan, mais je peux pas réfléchir aux effets que peuvent produire sur moi un bon fromage coulant, une bière froid, un potage brûlant ou un tartare parfaitement assaisonné. C'est physique et émotif, mais ce n'est certainement pas intellectuel. Paradoxalement, je veux que mes choix alimentaires, au quotidien, soient guidés par la logique. La mienne. Je veux choisir ce que j'aime avant ce que je n'aime pas. Entre le local et le bio, je vais toujours choisir le local, parce que je trouve plus important d'encourager l'économie du Québec que de réduire mon empreinte écologique. Et entre la viande et le tofu, je veux choisir ce dont j'ai VRAIMENT envie pour le souper (et ne vous trompez pas, c'est souvent le tofu qui gagne, on est des accros à la poutine santé de Lèchevitrine... :P). C'est peut-être pour cette raison que l'étiquette végé me rend un peu mal à l'aise: en pratique, c'est presque ça - tofu, légumineuses, grains entiers, protéine de soja, nous sommes devenus des pros de la cuisine végé - mais dans ma tête, c'est beaucoup plus complexe que ça. Et ça, c'est sans compter le regard dubitatif de Chuck Hugues quand on lui a dit que j'étais presque végétarienne. Ce n'est pas le végétarisme que je veux revendiquer, c'est l'importance de comprendre l'influence de nos choix alimentaires quotidiens.

Ce blogue, bien que basé sur le végétarisme, suit le courant que suit ma passion pour la bouffe et la bonne santé: le flexitarisme. Il s'agit, en fait, d'une mouvance alimentaire issue du végétarisme mais qui est plus souple par rapport à l'inclusion des poissons et des fruits de mer, et qui pense le fait de manger de la viande comme une façon de faire honneur à l'animal plutôt que comme un mal nécessaire et meurtrier. En gros, c'est une pratique du semi-végétarisme qui ne se fonde pas sur la revendication de l'intégrité animale mais sur les bienfaits d'une alimentation variée, et sur le plaisir épicurien qui découle d'un bon festin en bonne compagnie. C'est pour moi une façon plus normale d'envisager mon alimentation, en harmonie avec la nature et les saison: on mange en abondance des légumes de saison, des légumineuses, du riz et des pâtes. On continue de manger de la viande selon nos envies (un peu plus en hiver, parce qu'on meurt de froid sinon !). Le fait d'en manger moins souvent permet de faire des choix plus festifs (foie gras, filet mignon, moelle de boeuf et compagnie !) mais aussi plus écologiques: des charcuteries élevées avec amour dans le Bas-du-Fleuve, des crevettes de Matane encore dan leurs carapaces, des volailles et des fromages bio de Joliette...

Pour toutes ces raisons, j'ai eu envie de revamper ce blogue, d'en changer le nom, le contenu (un peu) et l'orientation, afin de correspondre à ces inspirations qui sont plutôt les miennes (et aussi, afin de pouvoir partager avec vous certaines de mes expériences culinaires bizarres - comme la cuisson lente d'une peau de porc pour en extraire le collagène ou le braisage de queues de boeuf - ce que je me sens un peu gênée de faire sur Presque végé...). Je me rend compte, cela étant, que Presque végé commence à être connu, à avoir sa voix propre, et ce serait une erreur de changer ses fondations.

Attendez-vous cependant à voir de nouvelles choses: plus de critiques de restaurants (dans la mesure de mes moyens, hihi !), des tests de produits et, finalement, ce qui me tient le plus à coeur, des critiques de livres de recettes, accompagnées de recettes testées et approuvées dans chacun d'entre eux. Et, bien sûr, toujours de bonnes idées pour manger moins de viande, plus de légumes, et faire honneur à ce que la nature nous offre; c'est-à-dire une abondance de toutes sortes de choses qu'il faut savoir exploiter dans le plaisir.

Tout ça, ça me donne faim, pas vous ? :)

6 commentaires:

mamanzen a dit…

Salut Daiva!

Je viens de découvrir ton blogue et je tombe sur ce billet! Il me correspond tellement... je n'aime pas les étiquettes, mais on ne s'en sort pas! Le flexitarisme, c'est nous! On mange le plus bio-local possible (on va acheter notre viande dans une ferme près de chez nous), on mange environ 2 repas de viande par semaine et le reste du temps: un peu de poisson (uniquement ce qui ne se trouve pas sur la liste rouge de Greenpeace), des légumineuses, du tofu, des grains entiers, des oeufs, du fromage......

Ton billet me fait du bien. Tu mets des mots sur ce que nous vivons!

Au plaisir de découvrir ton blogue et de lire tes futurs billets!

Merci!

soleil a dit…

Effectivement etre flexible dans ses choix! cela me correspond tout a fait! etre conscient de ses choix en lien avec la nature, l environnement, le respect des animaux et nos valeurs. je privilegie la place aux legumes, legumineuses, tout en me permettant de manger de la viande, des oeufs et du lait idealement bio et local... tout est dans l art du dosage et de la souplesse... les extremistes vegetarien ou carnivores tres peu pour moi! le plaisir de la bonne table fait partie de la sante et d une vie equilibree et enrichissante! longue vie au flexitarisme!!! ;-)

Iris a dit…

Bonjour
Je suis toujours étonnée que nous puissions revendiquer une flexibilité alimentaire alors que nos pays sont pourvus largement en termes alimentaires et que l alimentation fasse l objet d un positionnement idéologique aussi fort car il s agit d un élément simple même si essentiel de notre vie

Oui pour une réflexion et une démarche raisonnée pour équilibrer son assiette simplement , sainement et localement.Non pour remplacer systématiquement par des produits importes (soja par ex ou est il fabrique ??) ou qui sont surconsommer en défaut de nos produits céréaliers,légumineuses etc..

Kim Raymond a dit…

Je ne vois pas le problème entre le fait de prôner le flexitarisme et le fait de vivre dans un pays qui produit une aussi grande diversité alimentaire. C'est plutôt le contraire, c'est encore plus logique dans la mesure où c'est plus facile à mettre en pratique.

Je ne comprends pas non plus votre deuxième récrimination. J'ai écrit, dans mon article, "Entre le local et le bio, je vais toujours choisir le local, parce que je trouve plus important d'encourager l'économie du Québec (...)", ce qui va exactement dans le sens de ce que vous dites. J'achète du tofu La Soyarie, un tofu fabriqué à Gatineau, produit avec des plants de soja québécois et biologiques. Et je pratique le même discernement dans chacun de mes achats.

Bonne journée,

Daiva

Iris a dit…

Bonjour
Je ne vis pas au Québec et en France les choses ne semblent pas aussi simples. Par ailleurs,exprimer un point de vue n est pas formuler une récrimination .
Ce que je veux dire c est que dans les pays pourvus d une grande d une grande diversité alimentaire , il me semble toujours curieux que l on soit oblige de créer des mouvements ou des modes alimentaires
J ai été élevée par deux générations avant et après guerre qui ont soufferts de la faim et des restrictions alimentaires.de plus l alimentation n était pas diversifiée et accessible comme aujourd hui pendant mon enfance
Je n ai jamais non plus manger de la viande deux fous par jour et tous les jours
Donc parfois je me demande vraiment ce qui fait que les gens deviennent végétariens ou flexitariens ou autres
C est tout
Cordialement iris

misstux a dit…

Je suis d'accord avec vous !

Je viens à peine de commencer cette transition vers le flexitarisme, en commençant avec les lundis sans viande pour essayer des nouvelles recettes, mais il a fallu dès le premier jour que je chicane mon père qui voulait faire cuire un rôti de boeuf alors que j'avais prévu faire un gratin de légume pour ma mère et moi pour souper. Quand je lui ai dit "Euh c'est parce j'ai prévu faire un gratin de légumes", il m'a répondu "Faut manger de la viande un moment donné" …tsé comme si je virais 100% végétarienne du jour au lendemain… alors que je ne veux l'être qu'à temps partiel, pour varier mon menu et parce que je veux faire attention à ma santé. Aussi, je veux me pratiquer en essayant différentes recettes, vu que je compte entrer en cuisine en septembre. Comme aujourd'hui, en plus du gratin de légumes que j'ai fait pour souper, j'ai fait une salade de quinoa et pois chiches pour dîner, en m'inspirant de la recette de salade de couscous que mon frère a faite il y a quelques semaines.

Quant à manger local, étant donné que…
-j'habite encore chez mes parents (donc peux pas toujours contrôler les achats)
-j'habite sur la Côte-Nord (où il y a peu de fermes)
-Nous n'avons pas un budget énorme, surtout avec des dettes à payer.

…c'est moins évident de manger local, on tend encore à privilégier ce qui est moins cher par rapport à un équivalent local. Il y a ensuite la disponibilité desdits produits comme le tofu "La Soyarie" dont je ne suis même pas certaine si c'est dispo sur la Côte-Nord…
Pour les paniers bio "Fermier de famille" d'Équiterre… ya aucun point de chute sur la Côte-Nord (je viens de vérifier à l'instant)

Ma mère est très ouverte à la nouveauté (tout comme moi d'ailleurs), mais mon père et mon frère sont plus récalcitrants, donc même si on ne leur impose pas de manger végétarien de temps en temps, la difficulté est de leur faire comprendre que je veux être libre de manger végétarien de temps à autres (ex: 1 journée sans viande par semaine).

C'est donc un combat continuel, puisqu'autant je veux faire attention à ma santé, autant je ne me vois pas du tout végétarienne pure (je déteste l'extrémisme de certains, et j'aime trop la viande pour m'en passer totalement).

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