samedi 12 mars 2011

La Cabane: racines et terroir sur les quais du Vieux-Port


Cette semaine, j'ai été conviée au lancement de l'édition 2011 de La Cabane, cette entreprise de recréation gastronomique qui investissait mercredi le Scena du Quai Jacques-Cartier pour une deuxième année consécutive. Cette année, le projet a un petit quelque chose de glamour qui lui confère un aura d'évènement à ne pas manquer: les chefs invités, Marc-André Jetté et Patrice Demers des 400 coups, ou bien le décor, créé par des artistes d'ici, ou bien l'idée même de réinventer la cabane à sucre traditionnelle, tout est mis en œuvre pour nous conforter et nous dépayser tout à la fois. Et ça marche. On sort de La Cabane urbaine avec le ventre aussi rond qu'un bûcheron ventripotent, et satisfaits, ce qui n'est pas peu dire.


L'invitation, au départ, m'avait vraiment enthousiasmée: il avait été prévu, à la suite de la critique qu'en avait fait Marie-Claude Lortie dans La Presse l'année dernière, que Chéri et moi visitions cette Cabane qui était, pour sa première édition, aux mains de Danny St-Pierre. Puis, mon beau-père est décédé et Chéri et moi avions dû annuler notre réservation, circonstances obligent. Je me disais que l'occasion serait parfaite pour me rattraper, et j'ai réservé ma place avec empressement. Puis, certaines personnes ont fait circuler l'information qu'il fallait, au moment de réserver, payer en entier la facture - service inclus - ce qui a nettement refroidi mon enthousiasme. Ce n'est pas que c'est une pratique qui me dérange particulièrement, mais le fait qu'on ne mentionne pas cette information sur le site web me semble un peu décontenançant. Je prêche toujours pour un maximum de transparence dans mes relations d'affaires et je pense qu'à La Cabane, on aurait dû faire pareil. Finalement, je suis partie me remplir le ventre en me disant que les cuisiniers auraient fort à faire pour me redonner la chaleur et l'enthousiasme du départ.


Au final, je dirais qu'ils ont absolument réussi. Pour tout ce qui concerne l'ambiance, le décor, l'accueil, le service et la nourriture, La Cabane est splendide. On est accueillis à l'arrivée par un feu de bois extérieur qui crépite et par des bancs en bois qui laissent déjà croire qu'on aura besoin de repos après le repas. À l'intérieur, tout a été pensé pour nous rappeler tout à la fois les cabanes à sucre traditionnelles (le fameux panache d'orignal; les chaises artisanales en bois recouvertes de fourrures, le mobilier d'aspect hétéroclite) et la branchitude urbaine (l'espace à aire ouverte, le bar très slick en inox, les superbes jeux de lumières rappelant des branchages). On a même décoré les serveurs pour l'occasion: leur tablier rayé est agrémenté de poches et de courroies de cuir travaillées à l'ancienne. C'est superbe.


Le service commençant à 18h30, j'ai eu le temps de faire le tour de l'espace (qui change au gré des projets qui y sont tenus) et d'admirer les différentes œuvres en exposition, un cocktail alliant bière, thé glacé et sirop d'érable à la main. Ensuite, j'ai rejoint quelques collègues blogueurs et nous nous sommes installés pour papoter et pour examiner la carte des vins (honorable, il y a même des produits québécois en vedette, ce qui est assez rare dans ce genre d'évènements) en attendant la tablée. Vous me connaissez: j'aime vraiment, vraiment beaucoup les bouchées, et cette mise en bouche pour commencer est probablement le service qui m'a le plus plu. Sur des planchettes de bois à partager, on nous sert des oeufs mimosas (onctueux comme une mousseline, légèrement relevés) parsemés de sucre d'érable - le goût du sucré est ici vraiment délicat, des bouchées de terrine de wapiti surmontées de croquantes betteraves marinées à l'érable et une plus-que-délicieuse (à se rouler par terre de plaisir et d'enchantement) mousse de foie de volaille finement recouverte de gelée d'érable, qu'on a finie à la cuillère pour se consoler du fait qu'on a manqué de croûtons. Honnêtement, je ne me rappelle pas avoir mangé une aussi bonne mousse depuis celle que j'avais mangée sur le Mont St-Michel, et celle du Mont St-Michel n'avait pas comme qualité d'être surmontée d'une gelée d'érable délicate et fine comme de l'or. Bref. J'ai aimé ça. Vraiment beaucoup.


Le service qui a suivi, pour se réchauffer, m'a enthousiasmée un peu moins, même si tout le monde ma table semblait plutôt ravi. La soupe de courge fumée était délicieuse, chaleureuse et réconfortante, et le saumon mi-cuit tendre comme je l'aime: c'est le mélange entre les deux que je trouvais moins réussi. Toutefois - et c'est peut-être là mon erreur, j'avais omis de mélanger tous les éléments du plat dans ma première bouchée, et j'avoue qu'une fois qu'on ajoute le croustillant-sucré des oignons cipollini marinés à l'érable à l'ensemble, c'est mauditement bon. Et ça a effectivement cet effet de nous réchauffer et de nous mettre dans de bonnes dispositions avant de passer à la suite de l'histoire.


Pour nous régaler, on nous a servi un plat surprenant par sa générosité: dans des cassolettes en fonte, on nous servait des tranches de poitrine de dinde cuites sous-vide (d'une tendreté incomparable) accompagnées d'un ragoût de haricots coco (ok, soyons honnêtes, il s'agit de fèves au lard - et elles sont très bonnes à part ça), de carottes et d'un ragoût de cuisse de dinde effilochée qui me rappelait le très bon et très délicieux ragoût de pattes de cochon de ma grand-maman. Pour équilibrer les textures, on ajoute un peu de coriandre et de très croustillantes oreilles de crisse, dont j'ai abusé à loisir, puisque mon compagnon de table n'en mangeait pas (quelle drôle d'idée ! je pense que je vais à la cabane à sucre exclusivement pour les oreilles de crisse d'habitude).


Moi qui étais pleine depuis (à peu près) le deuxième service, et qui n'a pas particulièrement le bec sucré, je me suis dit que je passerais peut-être mon tour sur le service des desserts, mais c'était avant que le service commence et que je puisse admirer ce qui se distribuait ailleurs dans la salle. Finalement, les planchettes sont arrivées, et j'ai pris une grande respiration pour être sûre de manger tout ce qu'il y avait sur la table: financiers à l'érable (on dirait un petit muffin, mais la croûte est croustillante, dorée et savoureuse comme celle d'un pudding chômeur de grand-maman, et l'intérieur est moelleux et très délicatement sucré, parfait pour les timides bibittes à sucre comme moi), sandwiches de crème glacée à l'érable (petit sablé et crème glacée au sucre d'érable, miam) et, une réinterprétation du classique de Patrice Demers, petits pots de crème au chocolat, mousse à l'érable et sel de Maldon. Ce dernier opus était particulièrement décadent: sur un étage de riche ganache au chocolat, on dépose du crumble chocolaté (croquant et savoureux) et on arrose le tout d'un espuma à l'érable. La première bouchée est paradisiaque, puis on roule les yeux, on recommence et c'est toujours aussi bon. Merveilleux.


Pour finir en beauté (et c'est le cas de le dire), les chefs sortent de la cuisine et s'amènent avec un drôle d'attirail sur la souche qui trône au milieu de la salle. Armé d'un siphon et d'une bonbonne d'azote liquide, ils façonnent des petits baisers de meringue à la tire d'érable qu'ils font ensuite refroidir, ce qui les rend croustillants comme des chips. Quand on les mange, ils explosent (et nos bouches produisent de la fumée), puis les meringues fondent en nous laissant la saveur inimitable de la tire d'érable en bouche, sans la lourdeur du sirop bouilli. Une trouvaille incroyable qui exprime, à elle seule, tout le concept derrière la modernisation de la cuisine de la cabane.


Au sortir, les hommes du Point G nous attendait pour nous faire goûter leur tire au cidre de glace, délicate et fruitée. Si je n'avais pas travaillé le lendemain, je pense que je serais restée devant le feu pour reprendre mon souffle avant de rentrer. La Cabane, c'est finalement une grande réussite et un beau plaisir à s'offrir.

Points positifs: la bouffe est bonne, la décoration soignée (c'est une expérience culturelle juste à regarder !) et les chefs ont été vraiment inventifs.

Points négatifs: la place est grande mais accueille beaucoup de monde ! Les tablées sont donc assez petites, il faut être intime. De plus, La Cabane devrait indiquer sur son site web qu'on demande de payer à la réservation.

On y va: pour se régaler des desserts de Patrice Demers et pour se gaver de la cuisine réconfortante et chaleureuse de Marc-André Jetté.

On y retourne: l'année prochaine, pour voir la prochaine mouture !

La Cabane
Le Scena du Quai Jacques-Cartier, Vieux-Port de Montréal
514-444-4383
55 $ par personne (15$ pour les enfants) - sur réservation seulement.


1 commentaire:

Libellule a dit…

Wow! Tu n'est pas la seule blogueuse qui publie sur ça! Ça m'a l'air vraiment trop formidable!

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