Je me suis adonnée hier à la spectature ébahie d’une installation d’art spontanée qui circule dans le métro. Hier, je ne devais pas prendre le métro et pourtant j’étais là, à me débattre avec la première impression d’angoisse qui m’est venue à l’esprit en me livrant aux détails qui clochent : la voiture bleue sombre (bleu le faux-fini genre boiserie qui orne les murs, bleues les fenêtres, bleus les sièges) qui, sous la terre, avait quelque chose de véritablement oppressant. J’ai pris quelques minutes avant de réaliser que je n’étais non pas dans une immense publicité intrusive mais bien dans une mise en abîme de la vie urbaine. Ce n’est pas les motifs d’édifices, de rues et de lampadaires aux fenêtres qui m’ont mis la puce à l’oreille : c’est le wagon qui, éclatant de rire, s’est mis à penser en plusieurs langues.
Je dois avouer que l’expérience, qui relève du pur hasard, est déroutante : l’aménagement de la voiture en soi a quelque chose de particulier (en ce sens qu’elle baigne les voyageurs dans une sorte d’inquiétante étrangeté) mais c’est la bande sonore accompagnant l’ensemble qui transforme le déplacement quotidien en démonstration artistique : bruits, éclats de rire, carillons, grincements, cris; aux premiers abords dérangeants, accompagnés de paroles qui emplissent la voiture pour aller subvertir la pensée de voyageur, se substituer à celle-ci. Le mélange des langues et des sonorités provoque l’inconfort mais traduit la réalité urbaine. C’est réussi.
Seulement voilà : l’oreille tendue et l’œil brillant, je n’ai vu que des mines renfrognées et des gens désintéressés. Même servie sur un plateau d’argent, l’art ne stimule pas la population gazée par la routine. C’est d’une désolation totale.
Je suis rentrée à la maison pour googler avec empressement le seul slogan révélant l’existence de cette installation artistique de l’extérieur: L’art prend le métro. Le site Internet de la STM a répondu à mes questions : « Montréal, le 24 septembre 2007 – M. Claude Trudel, président du conseil d’administration de la Société de transport de Montréal (STM), a procédé aujourd’hui au dévoilement d’une œuvre d’art inédite dans une voiture de métro de type MR-73 réaménagée. Cette œuvre a été conçue et réalisée par Madame Rose-Marie E. Goulet, artiste en arts visuels, en collaboration avec Madame Chantal Dumas, artiste sonore. ». L’œuvre, dans le communiqué, est décrite comme une « perspective englobante » donnant lieu à une « interprétation nouvelle de la vie ». Allons.
Composée essentiellement d’images associées à l’univers pictural urbain, l’œuvre, Point de fuite, travesti la réalité ordinaire par l’ajout de vinyle et de pellicules sur le revêtement habituel du métro, en plus de gloser une atmosphère très froide au moyen d’un éclairage rosé. Une nouvelle vision de la vie, sans doute pas, mais très certainement une nouvelle vision du métro. « Point de fuite est un voyage onirique, un voyage dans un monde connu auquel on a fait subir de légères modifications artistiques », indique Mme Rose-Marie E. Goulet.
2 commentaires:
De mon côté, j'ai cru y voir un mauvais mariage entre deux institutions : celle de l'art et l'autre du transport semi-public. Autant que cette évasion déroutante du contenu publicitaire aie pu être rafraichissante, j'ai manqué d'en saisir le sens. Je me suis retrouvé sur le terrain de jeu d'un écarté, comme quand je visite un site Web qui m'impose une intro en Flash avec de la musique de fond. On dirait que l'expérience a manqué de se prêter au lieu, et qu'elle avait cherché à s'en opposer au lieu de travailler avec la matière qui lui était disponible.
En dehors des institutions, cette oeuvre là est à mon avis bien plus réussie.
Ça m'a pris du temps pour voir ce commentaire, mais merci ! J'adore ce flash mob, il est particulièrement révélateur de la réaction des gens face à l'art spontanée.
Quant à savoir si L'art prend le métro s'était plié ou non à l'espace disponible, je suis plutôt d'avis que l'oeuvre n'avait pas à le faire: elle cherchait à bouleverser les repères et de ce fait, c'était très réussi. Là où vous avez tout juste, c'est quand vous dite que vous avez "manqué" d'en saisir le sens: ce dernier, lui, n'était pas clair comme du cristal.
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