mardi 29 juin 2010

Toqué! d'été à la Brasserie T!


Deux boîtes en verre aux initiales mystérieuses ont poussé juste à côté de l'esplanade de la Place des Arts: le F Bar et la Brasserie T! ont ouvert leurs nouveaux quartiers au public vendredi dernier, aux abords de la rue Jeanne-Mance, en plein festival de Jazz. La première est le dernier né de Carlos Ferreira, qui y offrira une cuisine déclinée à partir de celle qu'il offrait déjà au Ferreira Café, mais en version plus familiale, style casseroles et mijotés. La seconde est la nouvelle aventure de Normand Laprise, qui offre à son Toqué! une version grand public, avec un menu d'inspiration brasserie, accessible à toutes les bourses.

C'est à cette dernière que je me suis rendue ce soir, en compagnie de Chéri, pour essayer mon premier Toqué!, expédition excitante s'il en est. La Place des Arts ressemblant actuellement à Bagdad*, nous rendre fût déjà une aventure. Une fois sur place, les boîtes jumelles ont quelque chose de déconcertant: on dirait qu'on les a oubliées là, comme si elles n'étaient pas vraiment en harmonie avec le paysage. C'est que le quartier des spectacles a un petit air de fête en ce festival de Jazz. Les boîtes, elles, sont blanches et froides. Le contraste est frappant. À l'intérieur, toutefois, les choses ont été faites avec goût et simplicité: pas de nappes à salir ou de code vestimentaire à respecter. Les garçons portent le gaminet et l'accueil chaleureux a de quoi mettre à l'aise. Il y a de quoi bien entamer la soirée.

La cuisine de cette Brasserie T! ne sombre pas dans le décadantisme, mais elle n'est pas non plus guindée. On y sert des plats simples et réconfortants, traditionnels et maîtrisés. La présence de Normand Laprise et de Charles-Antoine Crête sur les lieux nous donne l'impression d'être entre bonnes mains: on voit qu'ils sont soucieux de bien roder la cuisine, fonctionnelle depuis quatre jours seulement. Christine Lamarche est sur place aussi: c'est comme manger en famille, dans la belle et grande famille du Toqué!. Déjà, je suis charmée. Je le suis encore plus quand la carte arrive: la liste des cochonnailles est belle, et toutes les charcuteries donnent faim. Fidèle à sa philosophie presque monomaniaque, Normand Laprise s'est assuré d'offrir une carte restreinte où les produits de qualité sont à l'honneur. Aux côtés des terrines, jambon et saucisson, et des plats principaux, on nous offre des arrivages saisonniers qui ont de quoi faire saliver: les bourgots en vinaigrette (pour la Rimouskoise que je suis !) et les joues de boeuf en gelée, notamment, ont de quoi plaire aux fins gastronomes qui se rendent à la brasserie T! pour goûter la cuisine du Toqué!.

On aurait toutefois pris quelques bouchées de plus, pour accompagner la bière ou l'apéro (imaginaire cette fois là, puisque le permis d'alcool ne sera livré que le 5 juillet). En lieu et place, on nous offre une liste de cocktails au jus qui laissent déjà présager la maîtrise de ce qui nous sera servi plus tard. Le mojitos fresco, à base de concombre, m'a particulièrement séduite.



Nos choix se sont arrêtés sur les oeufs mimosa, les fondues parmesan et une terrine de foie gras (évidemment, me direz-vous) en entrée. Les oeufs ont particulièrement séduits Chéri, qui ne revenait pas de leur onctuosité. Ils sont montés avec une mayonnaise maison savoureuse, et leur texture est souple et velouté: c'est comme un clin d'oeil aux traditionnels oeufs dans le vinaigre, en beaucoup plus raffinés. Les fondues parmesan sont faites, contrairement à bien des endroits, avec du parmesan. Dur de rater des bouchées de fromage frites, mais il n'en fait pas plus pour me conquérir. Donnez-moi une friture bien réussie, et je vous offrirai la lune en retour. La terrine de foie gras, elle, goûte le ciel. Servie avec un brin de fleur de sel à côté, et du pain grillé, elle est fondante, crémeuse, et goûte le foie gras tout nu: on a évité ici une de ces garnitures parasites du foie gras, comme des fruits ou du Sauternes. Parlez-moi d'un foie gras crémeux coiffé d'une couche de gras de canard ou de beurre. C'est comme ça que je les aime.



Pour le plat principal, on a joué les carnivoires: tartare de boeuf pour madame (portion entrée s'il vous plaît - et je n'ai même pas eu le courage de finir mes frites) et burger-frites pour monsieur. On profite du boeuf ontarien, qui est servi bleu à Chéri, ce qui ne se fait presque plus ailleurs en ville (servir du boeuf haché à peine cuit, vous n'y pensez pas ?!). J'ai demandé mon tartare très relevé: il était délicieux, plus tendre et moins texturé que celui du Garde-Manger. Deux plats qui portent le même nom et qui sont pourtant très différents. C'est étonnant. La viande est fondante en bouche, et les frites cuites dans le gras de canard (bien qu'ici, on les aimerait à la belge, dans le suif !) contraste bien avec cette délicatesse. Les yeux de Chéri me disent que son burger est absolument savoureux. La viande est tendre, juteuse et gouteuse, et le fromage choisi relève bien l'ensemble. Qui aurait pu penser qu'un burger puisse être aussi savoureux ? Pas Chéri en tout cas, qui vient de trouver le burger de sa vie.


On a passé sur la carte des desserts ce soir là, parce que je me roulais déjà par terre et que mon inconscient avaient d'autres plans en tête (je ne le savais pas à ce moment là, mais lui, il savait: la rue Ste-Catherine, c'est aussi synonyme de queue de castor au nutella...), mais elle est simple, et on y donne surtout dans le petit sucre digestif: biscuits, pain d'épices, madeleines, sorbet. De près, le gâteau aux carottes avait l'air très tentant. On aurait peut-être aimé quelques choix originaux, donnant dans la cochonceté. Ce sera pour une autre fois.

Notre bilan, point de vue nourriture, est sans faille. Tout était parfait, maîtrisé, simple et savoureux. On a adoré le fait de voir cette nourriture de tous les jours devenir gastronomique entre les mains de Normand Laprise, et de pouvoir en profiter, aussi. On a apprécié les bouchées et charcuteries servies dans la même assiette, de façon conviviale, et la fraîcheur et le soin apporté au choix des produits. On a été un peu perplexes devant le décor, qui n'a rien de celui d'une brasserie. On avait plutôt l'impression d'être dans un Toqué! d'été: version plus légère pour la douce saison. L'endroit était trop climatisé pour la température: les gens s'emmitouflaient dans leurs châles et leurs vestes. Je comprends qu'en été, quand il fait soleil, la boîte de verre peut devenir chaude. Il aurait fallu adapter à la température ambiante.

Un peu too much: le cocktail sans alcool à 8$. C'est le prix d'un bon martini ailleurs en ville.

Un peu too less: le concept brasserie, je veux bien, mais pas dans un décor ultra-moderne. L'ensemble est un peu discordant. Le fait d'ajouter des frites au menu ne transforme par une cuisine en cuisine de brasserie. On aurait aimé quelque chose de plus chaleureux, de plus brasserie, quoi.

Verdict final: rien à redire côté nourriture. On y retourne, peut-être en après-midi, quand il y aura de la bière, pour manger des charcuteries en écoutant le soccer. Et pour faire honneur à la nouvelle saucisse de Montréal !

Brasserie T!
1425 rue Jeanne-Mance, aux côtés du Musée d'Art Contemporain (Montréal)
Ouvert à partir de 17h dès maintenant, et à l'heure du dîner très bientôt



* Le mot est de Stéphane Lépine, je n'ai aucun mérite.


1 commentaire:

S Lloyd a dit…

Excellent review. De loin meilleur que ce que nous présente certains journalistes pourtant chèrement payé pour le faire! J'adore tout ce qui provient de Normand Laprise/Christian Lamarche car il y'a gage de qualité et soucis de bien faire au détour. Je connais déjà le Resto Toqué! (Largement le #1 de la haute fine gastronomie avec XO Le Restaurant de L'Hotel St-James présentement) et j'ai hate de faire un tour au Bistro T.

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