vendredi 27 août 2010

Un petit mot sur le TECFÉE

Parce que je travaille dans un grand collège où je suis souvent confrontée au manque flagrant de compétence en matière de langage, les questions qui concernent la maîtrise de la langue chez les futurs maîtres me touchent beaucoup. Parce que je suis moi-même maître à mes heures, et que j'essaie d'employer un langage correct et châtié devant les étudiants, et parce que je souhaite leur transmettre ce désir de bien posséder l'idiome qui leur est propre et de s'en servir de la façon la plus efficace et la plus imagée possible (oui, oui, tout à la fois !), j'essaie parfois de me mettre à la place des ces futurs enseignants qui pestent contre le Test de Certification en Français Écrit pour Enseignement, et de comprendre d'où proviennent leurs difficultés.


J'essaie, mais je dois admettre que je ne peux les comprendre. D'une part, parce que pour enseigner au CÉGEP, on n'a nullement besoin de sanctionner ma maîtrise du langage et, donc, je n'aurai jamais à subir le TECFÉE, mais aussi, d'autre part, parce que je ne suis pas absolument certaine de voir d'où proviennent ces dites difficultés. J'ai vu des exemples de questions qui sont posées dans l'examen, et je les ai trouvées de difficulté très moyenne (faciles, même). J'ai vu des exemples de mots à définir dans l'examen, et je n'ai eu aucune difficulté à en exprimer le sens. On dit du TECFÉE qu'il est particulièrement retors parce qu'il n'évalue pas les connaissances réelles de l'étudiant en matière de vocabulaire, s'attardant plutôt à la définition d'expressions désuètes, inutilisées dans le langage, ou de mots anodins. C'est du moins ce que soutient Sébastien, un futur enseignant qui a échoué à ses deux premières tentatives de passation de l'examen. Dans cet article, sur Cyberpresse. Mais est-ce que c'est vraiment le cas ?


Ce qui m'harasse le plus dans ces revendications, ce n'est pas le fait que les futurs profs sentent le besoin de partager leurs connaissances face à l'épreuve (en fait, je trouve ça plutôt rassurant de voir que l'instinct grégaire de l'humain le pousse encore à s'entraider face à l'adversité). Non, ce qui m'harasse vraiment, c'est ce que sous-entend le discours de Sébastien: c'est possible que ces mots qu'il considère désuets et anodins, et dont il ne connaît pas le sens, soient désuets pour vrai, ou, à tout le moins, plus rares dans l'usage. C'est possible aussi que plusieurs personnes n'en connaissent pas le sens. Ce qui me tue, dans l'argumentaire de Sébastien, c'est que parce qu' IL (et ses collègues, entendons-nous) ne connaît pas le sens, nécessairement, le mot est désuet et en savoir la signification devient inutile. On est loin de l'idéal humaniste du 17ième siècle ! Avec un tel nivellement par le bas, on va très certainement produire une génération de maître ignorants, qui vont eux-même former de petits cancres illettrés et autres incultes de tout acabit. À mon avis, ça, c'est dangereux.


Un maître qui manque de formation et de culture, c'est possible. Un maître qui manque de curiosité intellectuelle, de soif de connaissances et du désir de cueillir les lauriers de sa réussite, c'est inquiétant. Très inquiétant. Et c'est ce qui caractérise les futurs profs de ma génération: un désengagement total et complet envers leur propre culture. S'ils ne l'ont pas appris avant, c'est qu'il ne fallait pas l'apprendre. Tout simplement. Et ce sont ces gens qui vont former mes enfants. Ces gens qui ne comprennent pas que les mots qui sont désuets selon eux peuvent être entendus au supermarché (manifestement, Sébastien n'a jamais mangé de darnes de saumon, ce qui est très triste pour lui, parce que dans une sauce moutarde et crème, c'est délicieux), au cinéma ou au journal télévisé. Que les futurs profs ne sachent rien du décadantisme et de leur cri de ralliement ironique («Épatez les bourgeois !») ne me dérange pas vraiment. Qu'ils n'aient pas envie de savoir me dépasse.


Évidemment, quand les chiens aboient, la caravane passe: mes protestations, celles des autres qui se joignent à ma voix, celles des médias, aussi, ne changeront rien à ce désengagement qui m'attriste. Mon but n'est pas de traiter les futurs profs comme des indigents ! Je souhaiterais plutôt qu'ils se réveillent et prennent en main leur éducation. C'est peut-être un problème de société plus qu'autre chose. Il y a quelque chose de manifestement malsain dans le culte de l'ignorance, mais il est maintenant beaucoup trop bien pris dans la société pour renverser la vapeur.


Oh, et puis, disons dont le de but en blanc: ces mots pointés du doigt par Sébastien, sont-ils si désuets ? Ils sont pourtant tous employés dans ce texte !

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Faudrait envoyer ton texte pour le faire afficher sur les portes des départements d'enseignement. Beau coup!

Jean-Victor

Kim Raymond a dit…

Hey, Jivre ! Merci pour le commentaire.

Je ne pense malheureusement pas que j'aurais une quelconque autorité pour qui que ce soit qui étudie en enseignement. Je leur souhaite quand même de s'ouvrir les yeux... ;)

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

Mon questionnement est le suivant:

Ces étudiants en éducation ont passé 14 ans sur les bancs d'école et on n'a pas réussi à leur apprendre à écrire le français correctement!


On les bombarde avec des reprises et tu chantages...si tu passes pas tu peux pas faire ton stage. Si tu passes pas tu nous quittes pour un an...

Ces jeunes, depuis 14 ans, on leur dit de ne pas lâcher...
Et ils n'ont pas lâché, ils se sont rendus à l'Université! Ils ne sont sûrement pas des cons. Qu'on leur donne encore des cours de français, si en 14 ans on n'a pas trouvé la façon de leur apprendre le français, encore et encore. C'est pas avec des examens qu'on va compléter leur apprentissages de la langue française!
Pensez-y, il y a 40% des jeunes qui ne terminent pas leur secondaire 5. Ces jeunes universitaires méritent tout notre respect et un peu d'aide pour compléter leur apprentissage du français....
SVP du respect pour tous ces jeunes qui n'ont pas lâché. Ne les lâchés pas.

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je suis étudiante au baccalauréat depuis près de deux ans et j'ai dû recommencer à deux reprises le test de français. Je ne l'ai d'ailleurs pas encore réussi! Toutefois,je dois vous dire que je suis entièrement d'accord avec vos propos. Ccependant, j'ai l'impression que les gens, comme vous, ayant eu la chance d'avoir une belle et diverse éducation, ont la parole facile à l'égard des jeunes étudiants soit disant les futurs enseignants. Je ne comprends pas tant d'un côté que de l'autre, pourquoi les gens comme vous et les gens comme nous, ne trouvons pas de solution, au lieu de perdre notre temps à critiquer. Dans mon cas, je suis une ancienne décrocheuse. L'école n'était pas pour moi et j'avais une faible estime de ma personne. Avec le temps et avec les bonnes personnes autour de moi m'encourageant, j'ai réussi à remonter la pente avec beaucoup d'efforts. Aujourd'hui, je continue à me batttre chaque jour pour réussir et je comprends, maintenant, l'utilité et les bien-faits d'une bonne éducation. Ceci dit, je prends des cours avec un tuteur depuis plus de trois sessions et je travaille très fort, sans abnadonner, sans me démotiver et toujours, mais je dis toujours, dans l'espoir d'y arriver. Voilà!!! Je suis certaine que je ne suis pas seule dans cette situation. Qui êtes-vous pour dire que notre génération ou notre société est moche? Nous sommes qui nous sommes. Si nous n'avons pas acquis les compétences complètes en français, c'est surtout dû à notre système d'éducation (le Ministère de l'éducation et leur supposé programme de nos décrochages au secondaire). Mais que font-ils de leurs étudiants qui se fendent le cul en quatre pour réussir à l'université et particulièrement en éducation?

L'univers des enseignants est chiant. Croyez-moi, je n'y vais pas pour me faire des amis. Vivre le monde de l'hypocrisie et du chialage. En contrepartie, j'ai donc choisi ce domaine, car je voulais faire une différence et y être pour les bonnes raisons. Qui mieux qu'une personne ayant passée par des difficultés pour comprendre un élève en difficulté ou autre.

Bref, je suis sur le point d'écrire à Madame Courchesne, je trouve cela innaceptable qu'aucun cours de préparation en français obligatoire pour tous ne soit pas offert, de règle générale, si cela est tant une lacune et une nécessité pour les futurs enseignants. Si je ne passe pas prochainement, je suis exclu de mon stage trois à l'automne 2011, donc je termine une année plus tard que ma cohorte et en plus, si j'échoue ma quatrième chance, je serai expulsée pendant cinq ans. Aucun bon sens. Pourquoi les tests ne sont pas au début, au lieu de faire du temps aux élèves. Je suis dans la trentaine, je n'ai pas cinq années encore pour patienter... désolé... ceci est incensé!

Bonne lecture à vous.

J'ai hâte de voir comment se dérouleront les futurs évènements au sujet du TECFÉE.

PS. Désolé pour mes erreurs, mais vous comprendrez surement que j'ai fait de mon mieux.

Anonyme a dit…

Bonjour,

Avant de me prononcer sur votre texte, j'aimerais souligner le fait que je suis étudiante en éducation et que j'ai réussi à mon premier essai le fameux Tecfée.

Cela dit, je trouve que vos propos mériteraient certaines nuances. Je suis d'accord avec le fait que certains étudiants ont plusieurs lacunes en français et qu'ils n'ont pas leur place en enseignement. Par contre, je suis d'avis que la partie du test qui évalue nos connaissances générales en nous demandant d'identifier la définition d'un mot, sans même le mettre en contexte, n'a pas lieu d'être. En effet, les mots retenus sont sélectionnés complètement au hasard, ce qui m'amène à dire que les futurs enseignants n'ont pas
à connaître la signification de tous les mots du dictionnaire ! Nous sommes des êtres humains qui ont le droit, comme dans toutes professions, d'utiliser un dictionnaire lorsque nous avons un doute sur l'orthographe d'un mot ou sur sa définition. Je ne suis pas en accord avec le terme "désuets" qui a été employé pour décrire les mots présents dans le test. Toutefois, je les qualifierais plutôt de "peu communément utilisés dans le langage populaire" ! Les enseignants devraient avoir un niveau de langage élevé, c'est certain, mais leur demander de connaître tous les mots de la langue française représente un défi que personne ne pourrait relever. Pas même vous.

Anonyme a dit…

Je suis aussi étudiant en éducation et je suis totalement en désaccord avec vous. Je ne vois pas l'intérêt d'apprendre par coeur des mots ou expressions qui ne servent plus et qui ne me serviront jamais dans la vie d'un enseignant. Je suis d'accord que le test est adapté pour les enseignants en français au niveau du CEGEP ou fin secondaire. Je ne trouve pas que c'est adapté pour les autres enseignants. Je trouve aussi dommage de voir que les enseignant des universités et des cegeps n'ont pas à passer ces tests alors qu'ils font le même travail et que ce n'est pas rare de trouver des fautes dans des notes de cours ou dans des powerpoints. D'autant plus qu'ils ont un bien meilleur salaire que nous allons avoir en enseignant au primaire ou au secondaire. C'est facile de se lever en faveur du TECFÉE quand on a passé cette étape dans notre vie, qui disont le, était beaucoup plus simple avec le CÉFRANC ou le SEL-B. Je ne vois pas l'utilité pour un enseignant en anglais, en art plastique ou en éducation physique de connaître le sens de l'expression sans tambours ni trompettes... ou tout autre notion complexe du TECFÉE. Il faudrait bien descendre de votre nuage et vous rendre compte que ce n'est pas l'influence des enseignants sur les élèves qui va changer le vocabulaire de tout un peuple et l'amener vers un français de référence. Avant de mettre la faute sur les futurs enseignants qui ne savent pas certaines notions en français, il faudrait peut-être blâmer le système scolaire et les enseignants qui leur ont enseigné le français.

Kim Raymond a dit…

Je vous reporte à un passage de mon texte qui démontre bien que votre commentsire est complètement à côté de ce que je déplore.

Je me cite: "Un maître qui manque de formation et de culture, c'est possible. Un maître qui manque de curiosité intellectuelle, de soif de connaissances et du désir de cueillir les lauriers de sa réussite, c'est inquiétant. Très inquiétant. Et c'est ce qui caractérise les futurs profs de ma génération: un désengagement total et complet envers leur propre culture. S'ils ne l'ont pas appris avant, c'est qu'il ne fallait pas l'apprendre. Tout simplement. "

Ce qui me dérange dans votre attitude, c'est justement que vous considériez que ça ne sert à rien d'apprendre des choses. Ce n'est pas en plaidant encore plus fort que ça ne sert à rien que vous allez me faire changer d'idée !

emiliebernard a dit…

Lors de mes études en éducation, on m'a appris qu'il y a des concepts essentiels dans un programme d'étude (un curriculum) ainsi que des savoirs intéressants.

Je suis à présent en train d'étudier pour enfin passer ce fameux TECFÉE. Dans le cahier d'exercices du guide pour réussir le TECFÉE...on me demande la signification des mots tels que nervation, grammage, stator, convers, etc. TOUS DES MOTS INTÉRESSANTS MAIS NON ESSENTIELS À LA PROFESSION DE L'ENSEIGNANT.

Il est clair que si un élève demande à l'enseignant quel est la définition d'un tel mot, l'enseignant devrait relancer la question à l'élève et lui offrir des outils pour trouver la réponse. Ça, c'est créer une soif de l'apprentissage. On ne cherche pas à développer des enfants qui veulent avoir tout, tout cuit dans le bec.

Je vous lance un défi! Sans engins de recherche sur internet, sans dictionnaire, sans aucun outil, répondez à cette question :

Que signifie le mot «starets»?
1.Star ou vedette de petite envergure
2. Personne chargée de donner le départ lors d'une course.
3. Nouvelle entreprise de haute technologie
4. Sage, pèlerin de l'ancienne Russie.

Bonne chance.

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