C'est du moins la question que posait Patrick Masbourian lors (de la probable reprise) de son émission Sommes-nous ? diffusée à Télé-Québec cette semaine. Parce qu'elle exige une réponse collective à une question d'ordre personnel ou individuel, cette émission pose un problème d'importance. Or, je doute qu'il existe au Québec une autorité légitime qui serait assez consensuelle pour résoudre le problème de la culture. Toutefois, je me demande s'il n'est pas nécessaire et absolu de se poser la question: sommes-nous, en tant qu'entité sociale et communautaire, cultivés ?
Ma maigre réponse ne vous intéresse pas, mais les problèmes que soulèvent la question sont intéressants.
D'abord, le problème que pose la définition même de culture: si la définition admise de la culture se rapporte à quelque chose comme "produit d'une société qui témoigne de sa distinction en tant que nation, notamment par les arts et le langage", il en existe une autre, à la base de tous les travaux des cultural studies: la culture, c'est l'ensemble des gestes posés par une société fédérateurs de son identité culturelle. C'est une définition complètement récusée par nos amis Français, pour qui la culture demeure la somme des connaissances fondamentales nécessaires au passage du bac (blague), mais qui trouve son écho en Scandinavie, là où la façon de faire la cuisine ou de faire du ski est une revendication culturelle. J'aurais tendance à croire que cette dernière définition colle mieux à l'état de la culture au Québec: malgré des institutions culturelles fortes et une offre diversifiée, le Québécois moyen revendique sa culture surtout à travers ses habitudes culinaires ou son attachement à l'espace québécois et à son folklore (sinon, pourquoi diable pulluleraient les festivals de la galette, de la babiche, ou de la gibelotte ?). Or, s'il nous est plus à propos de revendiquer nos habitudes culturelles comme culture propre, je pense que le raccourci est trop facile. Les Québécois ne sont pas nécessairement des gens cultivés, et le problème réside essentiellement que nous avons perdu notre modèle culturel.
Les différentes révolutions sociales des années soixante ont donné lieu à l'éclatement du socle de savoir fondamental qui était alors considéré comme la base de la culture. C'est arrivé à Paris et à Prague, mais c'est aussi arrivé au Québec: l'abolition du cours classique pour l'enseignement secondaire a donné lieu à une réforme totale de l'enseignement au Québec qui a résulté en l'abandon de l'enseignement de la culture classique. Or, là où je crois qu'on fait fausse route, c'est lorsque l'on considère que ce modèle n'a plus de valeur parce qu'il n'est plus enseigné. À mon avis, c'est le contraire: parce que nous ne produisons plus d'érudits "classiques", ce dernier savoir a une valeur considérable, pas parce qu'il est classique mais parce qu'il est utile pour comprendre là où se sont bâtis les références culturelles qui ont modelé notre culture, ou à l'encontre desquelles elle s'est appuyée.
Je pense que dans toute l'émission, c'est assurément le commentaire de François Parenteau qui m'a le plus fait sourcillé: ce dernier soutenait que quelqu'un qui cite à propos Jon Stewart ou SNL avait autant de culture que quelqu'un en mesure de citer Virgile. Que la culture était quelque chose d'actuel et qu'il fallait être de son temps. Je ne peux tellement pas être en accord ! J'estime que la culture de l'actuel est nécessaire, et peu m'importe que quelqu'un ne soit pas en mesure de citer ce très beau vers de Virgile qui ouvre l'Énéide et qui est pour moi l'essence de l'épopée ("Je chante les armes et je chante les hommes"), mais force m'est de constater qu'une culture limitée à celle du présent est une culture dont les frontières sont fermées, et entièrement ignorantes de leur passé. C'est pour moi un non-sens, et il m'est impossible de voir de la culture dans le manque de connaissance des bases et des fondements de la société.
Finalement, le sommes-nous cultivés ? Je pense que non. Pas trop. Mais est-ce que c'est irréversible ? Non ! Je cite très souvent cette phrase de Lucien Francoeur qui disait, lors de la grève étudiante de 2005, que nous sommes une petite nation et qu'il est facile pour nous d'éduquer tous nos enfants. Pourquoi diable est-ce qu'on baisse les bras devant la culture ?
Ma maigre réponse ne vous intéresse pas, mais les problèmes que soulèvent la question sont intéressants.
D'abord, le problème que pose la définition même de culture: si la définition admise de la culture se rapporte à quelque chose comme "produit d'une société qui témoigne de sa distinction en tant que nation, notamment par les arts et le langage", il en existe une autre, à la base de tous les travaux des cultural studies: la culture, c'est l'ensemble des gestes posés par une société fédérateurs de son identité culturelle. C'est une définition complètement récusée par nos amis Français, pour qui la culture demeure la somme des connaissances fondamentales nécessaires au passage du bac (blague), mais qui trouve son écho en Scandinavie, là où la façon de faire la cuisine ou de faire du ski est une revendication culturelle. J'aurais tendance à croire que cette dernière définition colle mieux à l'état de la culture au Québec: malgré des institutions culturelles fortes et une offre diversifiée, le Québécois moyen revendique sa culture surtout à travers ses habitudes culinaires ou son attachement à l'espace québécois et à son folklore (sinon, pourquoi diable pulluleraient les festivals de la galette, de la babiche, ou de la gibelotte ?). Or, s'il nous est plus à propos de revendiquer nos habitudes culturelles comme culture propre, je pense que le raccourci est trop facile. Les Québécois ne sont pas nécessairement des gens cultivés, et le problème réside essentiellement que nous avons perdu notre modèle culturel.
Les différentes révolutions sociales des années soixante ont donné lieu à l'éclatement du socle de savoir fondamental qui était alors considéré comme la base de la culture. C'est arrivé à Paris et à Prague, mais c'est aussi arrivé au Québec: l'abolition du cours classique pour l'enseignement secondaire a donné lieu à une réforme totale de l'enseignement au Québec qui a résulté en l'abandon de l'enseignement de la culture classique. Or, là où je crois qu'on fait fausse route, c'est lorsque l'on considère que ce modèle n'a plus de valeur parce qu'il n'est plus enseigné. À mon avis, c'est le contraire: parce que nous ne produisons plus d'érudits "classiques", ce dernier savoir a une valeur considérable, pas parce qu'il est classique mais parce qu'il est utile pour comprendre là où se sont bâtis les références culturelles qui ont modelé notre culture, ou à l'encontre desquelles elle s'est appuyée.
Je pense que dans toute l'émission, c'est assurément le commentaire de François Parenteau qui m'a le plus fait sourcillé: ce dernier soutenait que quelqu'un qui cite à propos Jon Stewart ou SNL avait autant de culture que quelqu'un en mesure de citer Virgile. Que la culture était quelque chose d'actuel et qu'il fallait être de son temps. Je ne peux tellement pas être en accord ! J'estime que la culture de l'actuel est nécessaire, et peu m'importe que quelqu'un ne soit pas en mesure de citer ce très beau vers de Virgile qui ouvre l'Énéide et qui est pour moi l'essence de l'épopée ("Je chante les armes et je chante les hommes"), mais force m'est de constater qu'une culture limitée à celle du présent est une culture dont les frontières sont fermées, et entièrement ignorantes de leur passé. C'est pour moi un non-sens, et il m'est impossible de voir de la culture dans le manque de connaissance des bases et des fondements de la société.
Finalement, le sommes-nous cultivés ? Je pense que non. Pas trop. Mais est-ce que c'est irréversible ? Non ! Je cite très souvent cette phrase de Lucien Francoeur qui disait, lors de la grève étudiante de 2005, que nous sommes une petite nation et qu'il est facile pour nous d'éduquer tous nos enfants. Pourquoi diable est-ce qu'on baisse les bras devant la culture ?
3 commentaires:
J'ai écouté une partie de Sommes-nous de bons citoyens, aujourd'hui. Vraiment un concept intéressant d'émission.
C'est vrai que c'est intéressant, ça pousse à l'introspection. J'espère qu'il y aura de nouveaux épisodes cette année.
Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous parlez de culture du passé VS culture de l'actuel.
Je pousse le débat plus loin en disant que le manque de Culture avec un grand C n'est pas seulement la faute de l'éducation scolaire mais aussi et surtout la faute des médias.
Les médias en général n'éduquent pas ou peu, ils préfèrent passer à la télé, dans les journaux, magazines et autres, des sujets vendeurs, soit du divertissement, un journalisme sensationnaliste et de la publicité. De plus, il y a une tendance lourde à la spécialisation des chaînes et des journaux, néfaste pour la culture générale commune. Car lorsque l'on pousse continuellement l'individu à spécialiser tant son champ professionnel que son champ d'intérêts, il restreint ses connaissances à un, deux voir trois domaines.
Hors c'est un cercle vicieux, car si l'on n'expose pas les jeunes à la culture tout au long de leur enfance, ils n'y seront pas plus intéressés étant plus grands et n'éduqueront pas leurs enfants dans ce sens (curiosité, éveil).
Et selon moi, c'est ce qui se passe à l'heure actuelle, les hommes d'affaires sont nettement plus vénérés dans notre société dite "capitaliste" ou libérale que les intellectuels. On favorise le développement d'entrepreneurs, de gestionnaires, de scientifiques au détriment de la culture plus globale. Et surtout, on ne favorise plus l'esprit critique (tant dans les médias qu'à l'école) on ne pousse plus à remettre en question une hypothèse (esprit critique) mais à apprendre par cœur des connaissances dans le seul but de réussir les examens.
Étant à l'université, c'est ce qui me choque d'ailleurs le plus, les élèves veulent apprendre uniquement ce qui sera à l'examen et rien de plus. Lorsqu'un professeur à le malheur de faire des parallèles avec l'histoire, la culture générale et de débattre sur des sujets connexes au cours, les élèves le critiquent et lui demandent de s'en tenir à la matière du cours qui sera à l'examen. C'est d'ailleurs ces professeurs qui sont le moins bien évalués à la fin de session. En somme, un professeur intéressant n'est pas un bon professeur de nos jours, il devrait se contenter de lire les acétates pour plaire.
Pour conclure, je dirais donc qu'en tant qu'entité sociale et communautaire, il y a une tendance lourde à la "commercialisation" des connaissances et des sujets dits de "consommation". C'est à dire l'intérêt énorme que les individus accordent à leurs besoins matériels, au superficiel. Du moins, c'est ce que l'on ressent comme tendance générale lorsque l'on prend le tend de tendre l'oreille et écouter les conversations autour de soi, que ce soit dans le bus, le métro ou au travail. Les sujets de conversation tournent toujours autour de: "J'ai acheté", « J’ai payé », "J'ai fais", "J'ai vu" point final. Noté bien l'importance du pronom Je (individualisme) qui est souvent au centre des échanges..."je ci je ça je ci". Je dirais que, malheureusement, dans 95% des cas, les sujets de conversation de personnes autour de nous, autres que notre entourage proche et amis (puisque ceux-ci sont choisis) bien sûr, ne volent malheureusement pas très haut.
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